Le nouveau profil des dirigeants des Groupes d'Assurance en France

Publié le par Jean-Michel Oudjani


Veille et Intelligence dans l'Assurance
Marché Français

Jean-Michel Oudjani




Compagnies- Mutuelles-Institutions de Prévoyance-Courtage-secteur Public- secteur Privé- Economie sociale....

 

 

 

La grande mutation

Le changement de générations  voire de profils des dirigeants de l’assurance est une réalité objective et durable. Les anciens qui sont partis récemment ou partent à la retraite ont été très marqués par:

-          les effets de la Guerre et les valeurs de la Résistance,

-          et/ou des mouvements de pensée comme l’Action Catholique, la franc-maçonnerie ou le Socialisme.

Tous prônaient des principes d’altruisme et d’intérêt général.

 

Un grand nombre de responsables du secteur de l’assurance provenait aussi de vieilles familles traditionnelles françaises, principalement de la noblesse notamment de province. Par  leur éducation et leurs styles de vie, ils étaient attachés à certaines valeurs et avaient un certain sens du service.

 

L’évolution du métier de l’assurance a permis l’arrivée de nouveaux profils de dirigeants depuis les années 1980. Ceux-ci provenaient souvent de milieux sociaux plus modestes. Ils disposaient en général d’appartenances d’une autre nature : une Grande Ecole publique, des réseaux politiques, syndicaux et/ou philosophiques... De nouveaux comportements et de nouvelles pratiques sont aussi apparus : l’autocratie managériale, la cooptation, la forte influence des réseaux…  Des abus ont ainsi été constatés. Certains dirigeants s’octroyaient en effet des prérogatives et adoptaient des genres de vie souvent incompatibles avec les valeurs qu’ils devaient représenter et promouvoir. Une véritable coupure s’installe alors dans les entreprises concernées entre deux mondes :

-          celui des proches des dirigeants qui bénéficient des avantages comme des promotions, des remboursements de frais, des voyages et des séminaires dans des hôtels de luxe ou dans des lieux enchanteurs…

-          celui du pays réel qui essaie de faire son métier avec de moins en moins de moyens et une absence totale de reconnaissance individuelle et collective.

 

Pour un professionnel de l’Intelligence Economique, la connaissance de la situation sociale d’une entreprise est une donnée importante. Elle permet de repérer les vulnérabilités, des opportunités et les centres de pouvoirs.

 

 

Le changement de pouvoir

Les dernières décennies du vingtième siècle ont aussi vu un véritable basculement du pouvoir dans les entreprises d’assurance. Pour les actionnaires comme pour les sociétaires, le pouvoir de décision est passé des élus à la technostructure.

 

Cette prise de pouvoir par des dirigeants « non propriétaires » et/ou  « non élus » se trouve accentuée dans certaines compagnies par l’arrivée massive dans leur capital de fonds et d’investisseurs (fonds de pension, compagnies d’assurance, caisses de retraite, OPCVM…) qui sont souvent dirigés par des salariés.

 

La connaissance des principaux actionnaires et des élus n’est donc  plus suffisante pour identifier les détenteurs du pouvoir dans une entreprise. Il convient de rechercher le détenteur du pouvoir d’influence.

 

Le rôle l’Intelligence Economique

Il consiste notamment à répondre à ces questions sensibles : Qui décide ? Qui choisit ? Qui contrôle ?  Qui soutient qui et pourquoi ? Qui détient le pouvoir réel ? Qui est le patron ? Est-il bien dans l’entreprise ?   Les réponses ne sont pas toujours évidentes et des surprises sont parfois possibles. Ainsi dans telle mutuelle IARD, le véritable « patron » est… la secrétaire du DG qui est en fait sa concubine. C’est elle qui décide de tout. Dans telle autre, le pouvoir est détenu par un syndicat. Chez ce courtier,  un seul actionnaire compte vraiment. Les autres ne sont là que parce qu’ils sont issus de la famille ou sont des amis proches.

 

Ce travail délicat, fastidieux et important apporte aussi des éclairages étonnants. Par exemple (histoire vraie), ces deux mutuelles qui sont parfaitement complémentaires ne peuvent pourtant pas fusionner pour une affaire de… femme. L’épouse de l’actuel directeur général de telle mutuelle est l’ancienne femme du Président de l’autre mutuelle.

 

 

Le conditionnement des dirigeants actuels de l’assurance

Tout dirigeant est naturellement conditionné par son éducation, sa formation initiale et l’époque de ses études. Une grande partie des dirigeants et responsables actuels a été formée au moment où dominaient la financiarisation et le libéralisme économique. Madame Thatcher, Ronald Reagan, l’Ecole de Chicago, le libéralisme économique, l’Union Européenne… font partie intégrante de leur histoire et de leur conditionnement. Très marqués par la culture anglo-saxonne, ces dirigeants ont systématiquement adopté une certaine vision de leur métier et de leur entreprise.

 

Ils sont notamment porteurs de cinq grandes croyances :

-  1 -  l’entreprise est un moyen qui doit générer des revenus. Ils n’ont pas ou peu de liens affectifs avec l’entreprise.

-  2 - le résultat financier est la priorité. Les arbitrages et les décisions sont pris en fonction d’objectifs de rendement ou de retour sur investissement. Les actions coûteuses ou dilutives (qui réduisent la performance financière de l’entreprise) sont à proscrire,

-  3 -  le capital humain (les effectifs) est vu soit comme étant un coût fixe (à maîtriser voire à réduire), soit comme une variable d’ajustement. Dans tous les cas, il est une source de problèmes (formation, promotion, rémunération...), d’où la nécessité de favoriser le recours à des prestataires extérieurs et/ou à l’externalisation des activités,

-  4 - pour être reconnu, durer et réussir, il faut atteindre une certaine taille susceptible de produire des économies d’échelle. Des achats d’entreprises, des fusions ou des partenariats en France ou à l’étranger sont des moyens utilisés pour grandir le plus vite possible.

-  5 - afin de réduire les coûts, des activités non stratégiques ou insuffisamment rentables doivent être cédées, sous-traitées ou externalisées.

 

A chaque étape de l’histoire de l’assurance, une des conséquences a été un changement du profil des dirigeants et des responsables.

 

Les dirigeants actuels ont encore pour la plupart des profils de gestionnaires et de financiers. Ils se caractérisent par certains comportements très typés. Voici quelques illustrations :

-                      un grand intérêt pour les activités de l’Asset Management,

-                      des placements réalisés en actions et dans des produits financiers sophistiqués,

-                      le développement des offres financières Vie et non-vie,

-                       la création de banques captives ou des partenariats  avec des établissements financiers,

-                      un développement international  réalisé principalement par des acquisitions sur la base de projets apportés par des banques d’affaires,

-                      une organisation interne qui privilégie le contrôle de gestion et des risques,

-                       la recherche de la cotation en bourse de toute ou partie des activités,

-                      un fort attrait pour l’endettement (titres subordonnés),

-                      le transfert de certains risques soit aux assurés (contrats en Unités de compte) ou à des organismes spécialisés (titrisation).

-                      le gel ou la réduction des investissements dans les activités d’assurances de risques…

 

 

Le nouveau profil

Ces dirigeants financiers vont être remplacés progressivement par des personnes issues plutôt de l’industrie. Elles apportent leurs contributions à une profession qui attend plus d’efficacité dans les chaînes de valeurs,  de prospective pour anticiper les évolutions et de sécurité.

 

 

 

sources

" L'Assurance Française : le Temps des Ruptures" de Jean-Michel Oudjani

http://www.thebookedition.com/l-assurance-en-france-jean-michel-oudjani-p-48130.html

 

 

 

Publié dans infodoc

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